Du synode des jeunes au synode sur l’Amazonie, une même ligne de force autour des enjeux d’inculturation, de synodalité et de proximité.
Sœur Nathalie Becquart, xmcj, a été observatrice au
Synode des jeunes en octobre 2008 et a été nommée consultante auprès de la
Secrétairerie générale du Synode des évêques en mai 2019. Dans cet article sur
le prochain synode sur la région panamazonienne, elle décrit comment il y a une
sorte de continuité entre ces deux synodes à un moment où le Pape François
appelle l'Église à mettre l'accent sur la synodalité. Et elle partage sa
conviction que la vie religieuse a un rôle clé à jouer dans la promotion de la
mise en œuvre d'une Église synodale.
Le prochain synode sur
l’Amazonie : " synode d’urgence " et "fils de Laudato Si ".
Un an après
le dernier synode des
évêques sur " Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel
", le prochain synode se tiendra à Rome du 6 au 27 octobre 2019. Son thème
est "L'Amazonie
: Nouveaux Chemins pour l'Église et pour une Ecologie Intégrale".
Centré sur une région stratégique et vitale pour l'avenir de l'humanité, ce
synode à venir a été présenté par le Pape François comme "notre
synode d'urgence " et qualifié de " Fils de Laudato Si ". A
la lumière de l’actualité récente sur le nombre record d'incendies de forêt au
Brésil, l'attention de
l'Eglise pour cette région pan-amazonienne apparait d'autant plus percutante et
prophétique. Le Pape explique le choix de l'Amazonie parce que cet immense
territoire qui implique jusqu'à neuf États correspond à un lieu «représentatif
et décisif » qui, en lien avec les océans, «contribue d’une façon déterminante à
la survie de la planète». Ce territoire est menacé par «les intérêts économiques et politiques
des secteurs dominants de la société». « Une grande
partie de l'oxygène que nous respirons vient de là-bas. Voilà pourquoi la déforestation signifie la mort de l’humanité."
Ce synode nous concerne donc tous, et en particulier les religieux qui ont une
longue tradition d'engagement social et sont de plus en plus engagés dans la
sauvegarde de notre « maison commune » en s’appuyant sur Laudato Si.
Le
document de travail pour la prochaine Assemblée spéciale du Synode des évêques
pour la région pan-amazonienne a été publié en juin et est le résultat d'un
processus d'écoute intense. Celui-ci a commencé avec la visite du Pape
François à Puerto Maldonado au Pérou, en janvier 2018, ainsi que la
publication du Document
préparatoire en juin 2018 et s'est poursuivie avec de nombreuses
consultations et rencontres à travers la région amazonienne avec un souci
particulier d'écoute des populations indigènes.
Une grande continuité entre ces
deux derniers processus synodaux : un même appel pour une Église plus synodale
Si ces deux
synodes semblent assez différents en apparence - l'un était une Assemblée générale ordinaire,
pour le bien de l'Église universelle et visait tous les jeunes de 16 à 29 ans,
l'autre est une Assemblée spéciale, pour aborder des questions qui concernent
surtout une ou plusieurs régions géographiques spécifiques - il existe en fait
une grande continuité entre ces deux processus synodaux[1].
Il est étonnant de découvrir que de nombreux sujets et questions sont
similaires. En effet, à travers ces deux grands processus ecclésiaux, nous pouvons
discerner le même appel pour une Église synodale et inclusive, le même enjeu
premier de l'inculturation et le même défi missionnaire de la proximité pour
que l’Eglise soit une présence bienveillante au plus près des gens cherchant à
répondre avec créativité au cri des pauvres et au cri de la terre. En tant que
participante ausynode des jeunes et m’intéressant maintenant au synode sur l'Amazone
en tant que "consultrice pour la Secrétairerie Générale du Synode des
Évêques ", je perçois une véritable continuité entre ces deux synodes que
l'on peut nommer comme étant celle de la "synodalité missionnaire "[2].
En effet, les lignes de force tracées par les deux séries de documents synodaux
dessinent l’Église synodale : une Église à l'écoute, une Église en dialogue,
une Église missionnaire, une Église accueillante, une Église participative, une
Église créative, une Église inclusive, une Église inculturée, une Église
engagée avec les plus pauvres et qui lutte contre les injustices.
Pour le Pape François, la
synodalité est en enjeu clé
Depuis son élection, le Pape François
a mis l'accent sur la dynamique synodale, discernant l’enjeu de développer la
synodalité comme un appel fort de l'Esprit : " le
monde dans lequel nous vivons, et que nous sommes appelés à aimer et à servir
même dans ses contradictions, exige de l’Eglise le renforcement des synergies
dans tous les domaines de sa mission. Le chemin de la synodalité est
justement celui que Dieu attend de l’Eglise du troisième millénaire. » D'une certaine manière, la synodalité
est une propriété constitutive de l'Église qui découle de son enracinement dans
le mystère trinitaire et de sa nature communionelle. C'est une forme appropriée
d'exercice de la collégialité qui passe par un processus de discernement
communautaire - écoute commune de l'Esprit dans une dynamique de recherche de
consensus - dont le but est aussi intrinsèquement missionnaire. L'instrument du
Synode des Évêques a été créé par Paul VI après le Concile Vatican II, mais le
Pape François veut clairement lui donner plus d’ampleur car il le considère
comme un élément-clé pour faire avancer la réforme de l'Église. L'objectif est in
fine de mettre en œuvre la transformation missionnaire urgente de l'Église pour
qu'elle puisse être vraiment cette « Eglise-en-sortie » tournée vers
les périphéries. La synodalité, parce que fondamentalement missionnaire, ne
doit donc pas se développer principalement pour des raisons d'organisation
interne mais pour répondre aux appels identifiés à travers une lecture des
" signes des temps " et la méthode du « Voir, Juger, Agir ». Une Eglise
synodale est donc intrinsèquement dans l'histoire et pour le monde : " Une
Église synodale est comme un étendard levé parmi les nations (cf. Is 11,
12) d’une façon qui – même en invoquant la participation, la solidarité et la
transparence dans l’administration des affaires publiques – remet souvent le
destin de populations entières entre les mains avides de groupes restreints de
pouvoir. Comme l’Église qui “marche au milieu” des hommes, participe aux
tourments de l’histoire, cultivons le rêve que la redécouverte de la dignité
inviolable des peuples et de la fonction du service de l’autorité puissent
aider aussi la société civile à se construire dans la justice et dans la
fraternité, générant un monde plus beau et plus digne de l’homme pour les
générations qui viendront après nous ".
La vie religieuse a un rôle
majeur à jouer pour ce synode et pour la promotion de la synodalité
Par son
expérience de la vie communautaire et ses pratiques de discernement, son
engagement fort pour la justice sociale et la mise en œuvre de Laudato
Si, mais aussi par sa manière d’être proche des gens, en particulier
des plus pauvres, la vie religieuse est souvent bien en affinité avec ces
caractéristiques de l'Eglise synodale. C'est pourquoi les religieuses et les
religieux ont aujourd'hui un rôle majeur à jouer dans la mise en œuvre de la
synodalité à tous les niveaux de l'Église. S'il n'est pas surprenant qu'un
grand nombre de religieux et religieuses aient été appelés à participer
activement aux derniers processus synodaux, tous les religieux et religieuses de
par le monde sont invités à partager de plus en plus largement le trésor du
discernement[1]
avec le peuple de Dieu. Car dans ce monde changeant et complexe, le
" discernement " doit devenir le " style missionnaire " des
chrétiens. Ce prochain synode sur la région pan-amazonienne est un
événement significatif qui vient nous
rappeler cet appel et ce défi crucial. Puissent toutes nos communautés
accompagner par la prière ce " synode d’urgence " et chercher avec
créativité comment promouvoir une Église synodale au service du bien commun de
notre " maison commune ".
Sœur
Nathalie Becquart, xmcj, Consultrice
auprès du Secrétariat Général du Synode des Évêques
[1] Gaudete et
Exsultate §167. « Aujourd’hui, l’aptitude au discernement est
redevenue particulièrement nécessaire. En effet, la vie actuelle offre
d’énormes possibilités d’actions et de distractions et le monde les présente
comme si elles étaient toutes valables et bonnes. Tout le monde, mais
spécialement les jeunes, est exposé à un zapping constant. Il est
possible de naviguer sur deux ou trois écrans simultanément et d’interagir en
même temps sur différents lieux virtuels. Sans la sagesse du discernement, nous
pouvons devenir facilement des marionnettes à la merci des tendances du
moment.»
[1] Avec la nouvelle Constitution
Apostolique Episcopalis Communio du Pape François sur le Synode des Évêques
publiée le 18 septembre 2018, le Synode est compris comme un
processus composé de trois étapes : 1/ la phase préparatoire, dans laquelle se
déroule la consultation du Peuple de Dieu sur les thèmes indiqués par le
Pontife romain ; 2/ la phase de célébration, caractérisée par la rencontre de
l'Assemblée des Évêques ; 3/ la phase de mise en œuvre, dans laquelle les
conclusions du Synode, approuvées par le Pontife romain, sont acceptées par les
églises locales.
[2] Dans le Document Final du synode des jeunes tout un chapitre est consacré à ce thème de
la synodalité missionnaire présentée ainsi au §118 «Le fruit de ce Synode, le choix que l’Esprit nous a inspiré
par l’écoute et le discernement, est de cheminer avec les jeunes en allant vers
tous, pour témoigner de l’amour de Dieu. Nous pouvons décrire ce processus en
parlant de synodalité de la mission ou de synodalité missionnaire : « La mise
en œuvre d’une Église synodale est un présupposé indispensable pour un nouvel
élan missionnaire qui implique l’ensemble du Peuple de Dieu »[1].
Il s’agit de la prophétie du Concile Vatican II, que nous n’avons encore jamais
assumée dans toute sa profondeur et développée dans ses implications
quotidiennes, et sur laquelle le Pape François a attiré notre attention en
affirmant : « Le chemin de la synodalité est
le chemin que Dieu attend de l’Église du IIIème millénnaire
» (François, Discours
pour la Commémoration du 50ème anniversaire de l’institution du
Synode des Évêques, 17 octobre 2015). Nous sommes convaincus que
ce choix, fruit de la prière et de la confrontation, permettra à l’Église, par
la grâce de Dieu, d’être et d’apparaître plus clairement comme la “ jeunesse du
monde ”.
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